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 Les voyages d'un rôdeur - Le Livre Rouge

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Ashreir
Lame des rêves
Ashreir
197 messages postés
   Posté le 10-08-2004 à 23:28:26   Voir le profil de Ashreir (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Ashreir   

Nom de la fic: Voyages d'un rôdeur
Catégorie: Le Seigneur des Anneaux
Age: tout public

Notes: Le Livre Rouge est la première partie des aventures de Khaotil, une fic de longue haleine que j'ai débuté il y a un peu plus d'un an. Il s'agit également de ma première véritable fic, et je ne l'ai jamais terminée...j'espère bientôt changer cet état de fait! ^^
J'espère que la lecture vous sera agréable!



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Une flamme vacillante. Des ombres dansantes. Une forme indécise dans la pénombre de la grande bibliothèque, aux étals chargés et poussiéreux, craquant sous le poids des ouvrages et des années.
Un homme grand et mince, encapuchonné dans une longue toge de tissu noire, s’enfonce au milieu de cette sagesse accumulée, chandelle mourante à la main. Arrivé à un établi de bois sombre et brut, il pose doucement sa flamme, ainsi qu’un lourd ouvrage en cuir rouge, craquelé comme un sol sec et stérile. L’homme s’assoit, et ôte son capuchon.
A la lueur de sa simple chandelle, la pâleur de sa peau en est presque effrayante, contrastant lugubrement avec les ténèbres l’entourant et ses cheveux sombres et longs, tombant misérablement sur son front et cachant un bandeau jaunâtre. Si ce n’était ce visage émacié et ces cernes profondes sous ses yeux verts, malgré tout vifs, l’homme pourrait avoir une vingtaine d’années, et des traits relativement agréables. Avec des gestes calmes, il ouvre le grand livre rouge à la première page, et plonge la pointe d’une plume dans de l’encre noire.
Il réfléchit quelques instants devant la page vierge, en suçotant pensivement le bout de sa plume, puis se mit à écrire :


Perdu parmi les rêves,
Mémoires de Kallo Ithil, dit "Khaotil"

Le temps est venu pour moi de consigner ici mes mémoires, avant qu’il ne soit trop tard. Les temps qui se profilent devant nous sont sans doute les plus sombres de l’histoire du Prismandalé, notre Univers. Beaucoup de ceux qui seront amenés à lire cet ouvrage ignoreront jusqu’à l’existence de cet Univers, et si des explications s’avèrent nécessaires, elles ne seront faites qu’au moment voulu, au cours de mon récit. Il est des vérités qui ne peuvent être révélées sans précautions prendre.
Je me dois d'expliquer le passé, pour que ceux que j'aurais choisis pour lire cet ouvrage comprennent l'imminence et la raison de la plus grande guerre que le Prismandalé ai jamais connu.
Laissez-moi ainsi vous conter un chapitre déterminant de notre histoire à tous, laissez-moi vous conter les événements responsables de notre situation actuelle.
Laissez-moi vous contez mon histoire…




Chapitre Premier: Frappé par le Destin

"Où suis-je ?" fut la toute première question que je me sois posé. Elle fut bientôt suivie par une interrogation plus inquiétante :"…Qui suis-je ?"

Je me tenais sur une petite colline verdoyante, qui surplombait le plus étrange petit village que j’aie jamais vu…en fait, c’était le tout premier village que je voyais. Une route de terre serpentait entre d’autres petites collines, dont la plupart étaient pourvues de portes, de fenêtres et de cheminés. Un peu plus loin coulait une minuscule rivière, qui faisait paresseusement tourner les pales d’un moulin. Quelques bâtiments étaient plantés au bord du chemin, et des jardinets chamarrés fleurissaient devant chaque « maison ».

Mais ce qui me préoccupait tout autrement, c’était mes souvenirs. Ou plutôt mon absence de souvenirs. J’avais beau chercher, me concentrer, je ne me souvenais de rien. Vide total. C’est une impression assez traumatisante, je vous prie de me croire. Mais qu’est-ce que je fous là ? D’où je viens ? Qui suis-je, bon sang ?
Je mis machinalement ma main dans ma poche, et y découvrit une petite carte, où était inscrite diverses informations dont je ne comprenais pas le sens: un nom, des dates, des lieux... Sur cette carte se trouvait également un petit portait. Etait-ce moi ? Je réalisa que je ne connaissais même pas mon visage. Mais le fait de tenir ce simple document me donnait une impression de connu rassurante, et un mot me revient à l’esprit : terre. J’ignorais ce que cela pouvait bien signifier, mais je devais sans doute avoir eu un rapport avec la terre.

Je m’allongea donc face contre le sol, le nez dans l’herbe, totalement perdu et noyé dans mes angoisses, ne sachant pas même ce qu’il me fallait espérer, quand soudain quelqu’un me héla :

"Hé jeune homme, voulez vous descendre de là je vous prie ?"

Je releva la tête, hébété, une touffe d’herbe dans les cheveux, et en baissant le regard, je vis un vieillard, bourdon à la main, drapé dans une robe grise et la tête couverte d’un large chapeau gris et pointu. Je m’exécuta et descendit de la butte, qui se trouvait être en réalité une autre de ces étranges maisons.

"- Que faisiez vous là haut, me demanda t-il, amusé.
- Je…je l’ignore, monsieur.
- Voyez vous ça ? Vous me semblez être bien loin de chez vous, jeune homme.
- Je l’ignore également, monsieur.
- Hmmm…"

Le vieil homme me toisa du regard.

"- Dans ce cas, vous ne verrez pas d’inconvénients à venir avec moi ?
- Je…non.
- Très bien. Puis-je au moins m’enquérir de votre nom ?"

Je lui donna, à tout hasard, le nom que j’avais lu sur la carte.

"Oh, ce n’est pas commun. Je me demande de quelle région ça peut venir…Quant à moi, j’ai de nombreux noms, mais l’on m’appelle souvent Gandalf."

Le vieil homme sourit, et m’entraîna à sa suite vers l’entrée de la maison sous la colline. A l’entrée se pressaient cinq personnes de petites tailles et vêtues de costumes de toutes les couleurs ; ceux-ci frappèrent à la porte, ronde et verte, et s’écroulèrent à l’intérieur lorsque celle-ci s’ouvrit.
Se déplacer à l’intérieur n’était pas aisé, le plafond étant vraiment très bas. Il y avait en tout treize "nains" (c’est le nom qui leur convenait le mieux) et un autre personnage, plus petit encore, et visiblement terriblement ennuyé par ces visiteurs inopportuns et bruyants. Ce pauvre petit être faisait peine à voir ; lui aussi donnait l’impression de ne pas savoir ce qu’il faisait ici, tout comme moi…

La soirée s’avançant, les nains entamèrent une discussion endiablée à propos d’une montagne, d’un ancien royaume, d’un dragon et je ne sais quoi encore. Je n’écoutait pas. Plus j’en voyais, moins je comprenais. J’étais terrorisé. Le fait de penser que j’avais surgit, comme ça, du néant, me donnait des sueurs froides. Le petit être remarqua mon état de détresse, et s’approcha de moi en me tendant une tasse de thé.

"- Vous…vous allez bien monsieur ?
- Quoi ? Oh…oui, ça va, je vous remercie.
- Vous vous rendez compte ? Ils veulent que je vienne avec eux dans une aventure ! Une aventure ! A moi ! Un hobbit tout ce qu’il y a de plus respectable !
- Oh, oui, c’est…c’est terrible, vraiment…dis-je sans chercher à comprendre ce que pouvait bien vouloir dire « hobbit ».
- Vous aussi vous y allez ?"
Je levais les yeux vers le vieil homme. Il fumait la pipe dans un coin de la pièce.
"Je crains bien que oui."

Et en effet, le lendemain, nous partîmes à l’aventure. Je n’avais nul part où aller, je ne connaissais personne, à part…le vieil homme, ce…"Gandalf", les nains, et le hobbit, qui se nommait Bilbon. C’est pour cette raison que je les ai suivi. Si j’avais su ce qui m’attendait, je ne serai sans doute jamais venu.


Après plusieurs semaines de voyage sous la pluie et une rencontre "mouvementée" avec trois ignobles créatures, un monstrueux mélange de muscles et de bétise tout en hauteur et en hideur, des trolls , nous arrivâmes enfin à la première escale de notre périple, la demeure d’un dénommé Elrond, qui nous offrit le gîte. Je mis à profit ces quelques jours pour réfléchir ; la question que l’on se pose tous en ces occasions là : pourquoi ça m’arrive, à moi ?
J’étais parvenu à la thèse de l’amnésie : c’était probablement la raison de mon absence de souvenirs. Ca allait sans doute revenir. Je n’avais qu’à attendre. Ca devait être ça. Ca ne pouvait être que ça.

Le voyage reprit, par la traversée d’une chaîne de montagnes toutes proches. Nous avions atteint la moitié du versant lorsqu’un orage éclata. Les craquements sourds roulaient tout au fond des sombres crevasses qui bordaient le chemin, éclairant par instants les apics, s’élevant tels des crocs saillant se dressant contre la fureur du ciel. Nous nous mîmes à l’abri dans un renfoncement de roche, et décidâmes d’y passer la nuit. Mais malgré la fatigue de l’ascension, je ne parvenais pas à dormir ; une sorte de frisson me parcourait le corps entier, comme si un choc électrique remontait le long de ma nuque à rebrousse-poil. J’avançais vers le bord de la crevasse pour observer l’orage, et mes angoisses ressurgirent : "Si je n’ai pas de souvenirs, c’est parce que je viens de nulle part…je n’ai pas de passé…que vais-je…"

Un formidable éclair coupa court à mes mornes pensées. Mais il ne venait pas l’orage, il provenait de derrière moi. Je couru vers notre bivouac, mais il ne restait plus personne. Le cadavre d’une créature humanoïde à la peau sombre et aux canines proéminentes gisait au sol. Cette fois j’étais vraiment seul.
Je n’avais aucunement l’intention de rester abandonné sous un orage d’Apocalypse, et encore moins que des semblables de l’horrible créature ne viennent me demander des comptes. Je continua alors l’ascension, terrorisé et transit de froid. L’orage redoublait de violence, et le vent soufflait si fort que je devais m’agripper à la paroi pour ne point chuter. Les prises, dures et acérées, me meurtrissaient les mains et les genoux. J’avançais presque à l’aveuglette, profitant du moindre éclair pour repérer la suite du chemin.

Finalement, après des heures de lutte acharnée contre les éléments, j’atteignis finalement le sommet de la montagne. Le ciel semblait se déchirer, l’orage grondant tout autour de moi. Dans la tourmente de foudre, de vent et de neige, de sinistres échos de voix me parvenaient. Tantôt empreintes d’une rage sans nom, tantôt d’une tristesse sans borne, ces voix sépulcrales et lugubrement déformées par la tempête, mais malgré tout lointaines, n’arrangeaient en rien mon état d’énervement.
Soudain, un gigantesque pilier de foudre frappa le sol à une vingtaines de mètres de moi, forant à même la roche et éjectant à tout va des bris de roches en fusion, qui s’écrasaient en un bruit mou dans la neige. Le choc fut si violent que je fus projeté au sol, et bloqué à terre tant que dura cet éclair titanesque. Puis le phénomène cessa, et l’orage se calma un peu. Les oreilles tintantes, je m’approchais en titubant du profond cratère que la foudre avait créé. Au centre, à une profondeur de cinq à peu près, se tenait une épée, plantée dans la roche. Je descendis dans le cratère pour me livrer à un examen précautionneux de l’arme. C’était une courte épée de 60 centimètres environ, avec une garde cisaillée en panache, se prolongeant légèrement sur un des fils de la lame, d’un métal argenté, très légèrement bleu. Fasciné, je tendis la main vers l’épée, et aussitôt un frisson d’électricité statique me parcourut le bras. Je referma la main sur la garde, et tira d’un coup sec pour la desceller de la roche. La lame, incroyablement légère, tinta harmonieusement, et je me perdis dans une contemplation muette de l’épée.

La lame s’entoura soudainement d’une aura noire, puis émit une violente décharge électrique. Mes articulations refusaient de lâcher prise, et je m’écroula au sol secoué par de violents spasmes de douleur. La foudre ne cessa de parcourir mon corps, et en un dernier hoquet, je fini par m’évanouir.

Lorsque je m’éveillais à nouveau, le jour s’était levé, et la tempête enfuie vers d’autres horizons. Ma main me faisait atrocement souffrir, mais je semblais être en un seul morceau. L’épée se tenait là, à coté de moi, dans une atmosphère ionisée. Ma raison me dictait de partir le plus vite possible, mais toute mon âme me poussait à me saisir à nouveau de l’arme. En tremblant, je pris de nouveau la garde, prêt à la lâcher à la moindre étincelle. Mais cette fois-ci, la lame resta normale. Je fendis deux ou trois fois l’air du fil de l’épée, assez ravi. La réalité revint pourtant à l’assaut, me rappelant que j’étais seul au sommet d’une montagne. Il me fallait rejoindre mes compagnons, aussi continuais-je ma descente vers l’autre côté de la chaîne.
Le soleil avait déjà disparu derrière la cime des arbres depuis quelques minutes lorsque j’arriva enfin au pied de la montagne. Un peu plus loin au Nord, un filet de fumée s’échappait de la forêt. Un feu de camp ? J’approchais donc, dans l’espoir de retrouver mes amis.

La fumée ne provenait pas d’un feu de camp. Des arbres bordant une clairière était en feu, le crépitement des flammes mêlé aux rires de créatures identiques au cadavre que j’avais vu la veille et aux jappements d’excitation d’horribles loups dégénérés et hirsutes. Réfugiés en haut d’un arbre, mes compagnons tentaient tant bien que mal d’échapper à leurs assaillants. Je me cacha derrière un arbre, tiraillé entre la peur et l’odieuse vision de mes amis en danger. Je serrais de toutes mes forces la garde de l’épée en tremblant de tous mes membres. Je pris finalement une décision, et m’enfuis, emporté par la terreur.

Je courus aussi vite que je pu hors de la forêt, pour m’éloigner le plus possible de ces créatures démoniaques, et de mes compagnons que je venais d’abandonner, de trahir, pour sauver ma vie. Les cris s’accentuèrent derrière moi et un souffle puissant souleva la poussière tout autour de moi. J’eus à peine le temps de me retourner quand quelque chose me saisit par les épaules et me souleva du sol. Ballotté au-dessus de la forêt qui filait à toute vitesse sous mes pieds, j’étais emmené vers la montagne. La chose qui me tenait me lâcha finalement dans son ère, et je m’endormis, extenué et affamé, d’un sommeil lourd et sans rêve.

Quelle ne fut pas ma surprise, le lendemain, d’être réveillé par Bilbon, positivement ravi de nos retrouvailles (ce qui avait l’air d’être moins le cas concernant les nains). Ils me racontèrent qu’ils avaient été fait capturés par des « gobelins » (certainement les monstres qui les avaient attaqué la veille), mais étaient parvenus à s’enfuir de leur repaire. Des aigles géants étaient enfin venus nous secourir lorsque les gobelins avaient incendié la forêt.

Le voyage repris, et nous arrivâmes quelques jours plus tard à l’orée d’une forêt où Gandalf nous quitta, en nous recommandant de jamais, sous aucun prétexte, quitter le chemin.
Cette forêt ne connaissais que la nuit : les frondaisons étaient si épaisses, que la lumière du jour ne parvenaient à percer au travers. Et il en émergeait une forte impression de malaise, comme si des centaines d’yeux ne cessaient de vous épier (ce qui, en réalité, était bien le cas).
La traversée de la forêt était très longue, et les vivres nous firent bientôt défaut. Poussés par la faim, les nains décidèrent de quitter la route en quête de nourriture, tandis que je restais à les attendre sur le chemin pour leur permettre de le rejoindre facilement.

J’attendis seul, près du feu de camp, et les heures passèrent les unes après les autres. Il était clair que quelque mésaventure leur était arrivé. Je me saisis d’une torche d’une main et de l’épée d’une autre, et je m’enfonçais parmi les arbres. Les ronces et autres buissons rendaient difficile ma progression à tâtons dans les sous-bois. J’entendis bientôt des bruits de sifflements provenir d’un peu plus profond dans le bois. L’épée émettait une faible lueur rougeâtre le long de son fil. Je grimpa sur un arbre pour voir de quoi il en retournait, et mon sang se glaça dans mes veines ; des centaines d’araignées, aussi grosses que des chiens, et s’agitant en tout sens autour d’un grand arbre. J’avais une peur bleue des araignées. Les nains se trouvaient suspendus à une des branches, englués dans des cocons de soie. Mais cette fois-ci, il était hors de question de fuir à nouveau. Je me devais de faire quelque chose pour les aider, même si j’ignorais encore quoi. Je me saisis d’une liane accrochée à l’arbre, et brandissant l’épée en avant, je m’élança en hurlant : "Crevez, saloperies !!"

Ce n’eut pas réellement l’effet escompté : la liane se rompit, et je m’écrasa ridiculement sur le sol juste devant les araignées. L’épée se planta dans le sol meuble à côté de moi, le fil rougeoyant. Avec une rapidité propre à ceux dont la situation est désespérée, je me remit sur mes pieds et me saisis de l’épée, avant de porter un violent coup à l’araignée devant moi, qui s’écroula en un gargouillis d’agonie. Les autres restèrent pétries de surprise un instant, puis se précipitèrent vers moi en cliquetant des mandibules. Au diable l’héroïsme, je pris mes jambes à mon cou. Pendant ce temps, un petit hobbit bien caché s’occupait de libérer les infortunés nains.

Ma course m’entraîna bien loin dans la forêt, suivi de près par une horde d’araignées. L’une d’elle s’apprêtait à m’attraper la jambe, quand j’entendis un sifflement près de mon oreille, suivi du râle d’agonie de l’arachnide. D’autres sifflements provenaient des arbres, faisant tomber autant d’araignées derrière moi. Les dernières s’enfuirent dans les ténèbres du bois. Je voulus me retourner pour voir mes sauveurs, mais une douleur sourde à la nuque me plongea dans la nuit.

Je tombais dans un puis de lumière sans fin. J’avais l’impression d’être tiré de toute part, comme si quelqu’un tentait de séparer mon âme de mon corps, comme si on tentait de le déchirer. La fin du tunnel, lumineuse à l’extrême, s’approchait à une allure vertigineuse, et une intense sensation d’angoisse me saisit. Au bout de ce tunnel, il n’y avait plus rien, plus rien qu’une gueule béante qui dévorait tout. Juste avant qu’elle ne m’engloutisse, je vis son visage : le mien .

Je me réveilla en sursaut et trempé de sueur ; un rêve, ce n’était qu’un rêve…Et pourtant, il m’en restait une affreuse sensation…Et ce puis de lumière, je l’avais déjà vu, mais où ?
J’étais dans une pièce minuscule et qu’on eut pu dire austère, si l’austérité signifiait aussi confortable qu’un lit en granit. Un rapide coup d’œil autour de moi me révéla l’inquiétante vérité : j’étais en prison.

Quelqu’un ouvrit la porte, et me demanda fermement de le suivre. C’était une personne aux traits fins et aux longs cheveux, dont la grâce me changeait bien des nains bourrus et bruyants. Où étaient-ils à présent ? Il m’entraîna au travers de corridors, et je remarquai que ses oreilles étaient allongées et pointues.
Nous arrivâmes finalement dans une grande salle décorée de fleurs et de feuillages, et où trônait très certainement le maître de ces lieux, à en juger par sa prestance, sa beauté, et surtout sa couronne végétale. Les nains étaient présents aussi, et sous bonne garde, mais aucune trace de Bilbon. Le seigneur nous demanda pourquoi nous étions entré sur leur territoire, et Thorin, le chef des nains, se refusait à divulguer la moindre information concernant le but de notre voyage. Quant à moi, c’est à peine si je le connaissais : j’étais parti dans cette expédition uniquement pour ne pas me retrouver seul dans cette contrée inconnue. Il me posa aussi des questions concernant l’épée ; elle se trouvait sur le sol, à quelques pas du trône, et d’après le maître des lieux, nul n’était parvenu à s’en saisir sans aussitôt voir la foudre le traverser. Mais là encore, j’en ignorais la raison.

Le roi de la forêt nous convoqua chaque jour, posant sans relâche les mêmes questions. Cependant, Bilbon, miraculeusement libre et introuvable, préparait notre évasion. Un soir, il nous ouvrit les portes de nos cellules, et nous entraîna dans le dédale des couloirs. Malgré le danger, quelque chose m’empêchait de partir sans mon épée, aussi fis-je un détour par la salle du trône, miraculeusement déserte. Bilbon nous mena vers une réserve, et fit entrer les nains dans des tonneaux avant de les refermer. Je posa problème : Bilbo n’avait pas pensé à ma taille, je n’entrais pas tout entier dans les tonneaux. Je devais trouver un autre moyen de m’échapper, mais comment ? Des bruits de pas arrivèrent du couloir ; je me précipita dans un recoin sombre, et Bilbon disparut étrangement. Deux gardes arrivèrent, discutèrent un peu, puis renversèrent les tonneaux vers une rivière coulant sous le château par une trappe dans le sol. Une fois terminé, un garde resta pour surveiller la sortie. Je devais sortir. Tandis qu’il regardait ailleurs, je m’approcha de lui en silence et lui donna un violent coup du plat de l’épée pour l’assommer. Au contact du garde, l’épée émit un éclair concentré le long de la lame qui électrocuta mon geôlier, s’écroulant ensuite à terre, inconscient. Sans attendre, je me jeta à l’eau et nagea pour rejoindre les tonneaux.

Le voyage dura plusieurs heures. L’eau était froide et agitée, ce qui rendait la traversée encore plus ardue. Par plusieurs fois, engourdit par le froid tetanisant, je faillis sombrer dans les flots, glissant sur la paroi trempée et glissante des tonneaux. Nous arrivâmes cependant tous à destination, une ville construite sur une île au milieu de la rivière. Nous fûmes chaleureusement accueillis, et nous y restâmes quelques jours pour nous restaurer, avant de partir pour notre destination finale, le mont solitaire, l’ancien royaume des nains, où régnait désormais Smaug le dragon, veillant sur l’immense trésor des nains. Une fois arrivés, et après avoir découvert une entrée secrète, Bilbon et moi-même sommes rentrés dans l’antre du dragon. Au fur et à mesure de notre progression, l’atmosphère se faisait plus lourde, ponctuée d’une sourde respiration. Le dragon rouge était par chance endormi. A l’entrée de ce qui paraissait être la chambre du trésor et du dragon, Bilbon me demanda d’attendre ici. Il fouilla dans sa poche, puis se volatilisa, avant de réapparaître quelques minutes plus tard, portant un gros calice doré, butin volé au dragon. Il me fit promettre de ne rien dire au sujet de l’anneau qui permettait de le rendre invisible, sans rien m’en dire de plus, puis nous repartîmes voir les nains qui firent un triomphe au hobbit.

Les dragons sont d’une cupidité extrême cependant, et à son réveil, Smaug entra dans une rage folle de voir que quelqu’un avait osé piller son trésor d’une simple relique. Bilbon retourna dans la salle du trésor, et cette fois-ci parla au dragon, toujours sous le couvert de l’invisibilité. Lorsqu’il revint, tout deux avaient su tirer des informations de l’autre : ainsi, Bilbon avait aperçu une faille dans la cuirasse de gemmes que s’était constitué Smaug en se couchant sur son trésor, mais le dragon savait que nous avions reçu de l’aide de la ville sur la rivière, et il décida de punir ces insolents. Il s’envola donc à tire-d’aile pour administrer son implacable châtiment embrasé. J’ignore comment, mais un archer du nom de Barde appris le défaut dans l’armure du dragon, et parvint à le défaire; ceci est une autre histoire après tout.
Pendant ce temps, les nains reprirent le contrôle de leur ancien royaume et surtout de leur incroyable trésor. Mais tant de richesses ne sont pas sans éveiller les désirs : le roi de la forêt arriva bientôt, accompagné de Barde, nouveau maître de la ville de la rivière, pour réclamer une part du trésor. Les nains refusèrent, évidemment, et appelèrent des alliés pour se préparer à une guerre imminente.

Et la guerre arriva en effet, mais pas contre l’ennemi escompté. Tandis que les deux armées s’apprêtaient à se livrer bataille, Gandalf, le vieil homme qui m’avait embarqué dans toute cette mésaventure, surgit au cœur des hostilités et prévint q’une armée de gobelins, ceux-là même que nous avions rencontrés il y avait quelques mois, se dirigeaient ici en ce moment même. Oubliant leurs différents, les armées s’allièrent contre ces horribles créatures. Jamais je n’avais vu bataille plus sanglante (certainement une fois encore car je n’avais jamais vu de guerre…et pourtant ce n’était pas la dernière fois que j’en vis une, loin de là…) : des deux côtés, les combattants tombaient, entraînés dans cette lutte au corps à corps sans merci, au milieu des cris, des fracas, des râles.
J’étais horrifié. Je ne comprenait pas ce massacre, ce gâchis d’âmes. Je réalisa que, par-dessus tout, je haïssais la mort. Je me fis une promesse, en plein milieu du champ de bataille :
quelque soit mon futur, quelque soit le chemin que je choisirai, jamais par ma main ne mourra quelqu’un, homme, nain, elfe ou hobbit. Moi qui n’était qu’un simple enfant apeuré dans un pays inconnu, je me mis à charger dans la bataille tel un guerrier, résolu à ne plus jamais fuir et à protéger la vie de ces gens que je connaissais pas, dusses-je mourir dès le premier assaut. Ce voyage avait réveillé en moi l’envie d’aider les autres, et ce jusqu’au bout.

Ce jour là, la chance me sourit, car aucune des attaques des gobelins ne m’atteignis. La bataille pris fin, les gobelins exterminés jusqu’au dernier, au prix de lourdes pertes de notre côté. Thorin était malheureusement mort dans la bataille, mais les nains purent reconstruire leur royaume et finalement vivre en paix avec leurs voisins. Gandalf nous ramena, Bilbon et moi, dans cette petite maison sous la colline. Après avoir pris congé de notre ami, Gandalf me demanda :

"- Et maintenant, que vas tu faire ?
Je l’ignore, répondis-je en souriant."

Le vieil homme me toisa du regard, comme il avait l’habitude de le faire, mais cette fois avec plus d’attention, comme s’il sondait l’intérieur même de mon esprit.

"- Je crois, dit-il enfin, que je pourrais t’apprendre beaucoup de choses, sur qui tu es, et d’où tu viens.
- Comment Gandalf ? Vous savez d’où je viens ?
- Non, je n’en ai aucune idée, mais je pourrais sans doute te mener sur la voie qui te l’apprendra."

Gandalf me mena chez Elrond, le seigneur elfe, qui m’accueillit chez lui. J’appris que la plupart des elfes se méfiaient des humains comme de la peste, les prenant pour des créatures faibles et cupides, mais malgré tout ils m’acceptèrent parmi eux, et les fils d’Elrond finirent même par me considérer comme un des leurs. Les elfes m’apprirent comment me déplacer en silence et agilement, comment me faufiler dans les forêt, comment comprendre le langage de ce qui vit et de ce qui pousse. Ils m’apprirent l’art de l’acrobatie et du tir à l’arc. Gandalf quant à lui, me rendait souvent visite, me faisait voyager dans les terres du milieu, m’en apprenait l’histoire, et m’entraîna au maniement de l’épée. Ma vie s’écoulait paisiblement, avec deux incertitudes cependant : pourquoi, bien que les années passent, le temps ne semblait avoir aucunes prises sur moi, et surtout, quelles pouvaient être mes origines ?


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Ashreir
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Ashreir
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   Posté le 11-08-2004 à 12:49:28   Voir le profil de Ashreir (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Ashreir   

Chapitre Second: Mon nouveau nom

Il vint un temps où je me mis à parcourir seul les terres avoisinant Rivendel, le bastion de maître Elrond, en quête d'aventures et de hauts-faits à accomplir. Bien qu'Elrond n'approuvait pas particulièrement que je m'éloigne trop longtemps de la terre des elfes tout seul, il comprenait cette soif qu'anime la fougue de la jeunesse, et me laissait à chaque fois partir avec sa bénédiction.
Voici l'une des aventures les plus intenses que je mena durant cette période, celle qui me permis d'en apprendre un peu plus sur mon épée, et qui me donna mon nom elfique :

Ce jour là, en l'an de grâce 2956 du troisième âge du calendrier elfique, exactement quinze ans après mon aventure en compagnie de Bilbo, je longeais le Bruinen depuis bientôt deux semaines, lorsque j'arriva à Eradon, une grande cité de l'Eriador, tout près des frontières de la Comté. La ville était en effervescence, une rumeur courant sur toutes les lèvres: un monstre innommable s'attaquerait aux villages alentours, et aurait déjà tué plus de vingt personnes en six jours, les défigurant complètement. Après avoir fait le plein de provisions, je partis donc en chasse du monstre. Les seules traces qu'il daignait bien laisser derrière lui se résumaient aux cadavres de paysans découverts au petit matin par des villageois. La bête semblait se déplacer vers le sud, et d'après la fréquence et la distance des meurtres, maintenait un rythme de marche très soutenu.

La blafarde lune d'automne avait par trois fois montré son visage depuis le début de ma traque. Les dernières braises de mon feu de camp laissaient s'échapper des petits morceaux de cendre rougeoyante, et je commençais à m'assoupir devant ce spectacle, lorsqu'un bruissement de feuilles me parvint. Aussitôt je saisis mon arc et me cacha dans un arbre, observant en silence la clairière où je m'étais installé. Une petite troupe de voyageurs y pénétra bientôt. Ils étaient cinq, et avaient tout l'air d'aventuriers: il y avait là un nain en cotte de maille, un guerrier et un voleur, tous deux humains, ce qui semblait être une prêtresse, et un grand personnage encapuchonné dans un tissu cramoisi. Je restais un moment à les observer installer leur bivouac, lorsqu'une faible lueur à mon flanc attira mon attention: le fil de mon épée luisait d'un éclat rouge. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : d'une manière ou d'une autre, ils étaient en danger.
Je scruta les environs de la clairière avec plus d'attention, et enfin je le vis: un unique oeil jaune et brillant, caché dans les feuillages, qui lui aussi observait avec intérêt les aventuriers. Je cocha une flèche, et tint l’œil en visée. Les flammes du feu de camp se reflétaient sur sa surface sans pupilles, lui donnant un éclat envoûtant. Mon esprit s'embruma, et je relâcha la tension de mes doigts. La flèche se planta dans un arbre à coté de l’œil, qui disparut.
Les aventuriers étaient maintenant aux aguets, et il me parut plus sage de cesser de me cacher. Je sortis de mon abri et salua les voyageurs:

"- Pardonnez-moi, noble compagnie, je vous avais pris pour du gibier. Point de mal, j'espère?
- Assurément, non, répondit le nain.
- Pour ça, il eut fallu que vous sachiez viser, renchérit ironiquement le voleur.
- Sans vouloir être indiscret, quels vents vous amènent à voyager par ces contrées sauvages? demandais-je, désireux d'en connaître plus sur ces personnages.
- Sans vouloir l'être non plus, dit la prêtresse, que fait un chasseur dans les bois à cette heure si tardive?"

Un silence gêné s'installa autour du feu de camp.

" C'est…le meilleur moment de la journée pour chasser le renard."


Ils m'invitèrent à partager leur repas, et finirent par me révéler le but de leur voyage; Un peu plus haut au Nord, non loin de Bree, ils avaient anéanti une petite troupe d'orques qui terrorisaient les habitants des environs. Dans le butin que les orques avaient pillé au cours de leurs rapines, se trouvaient quelques objets marqués du sceau de L'Isengard, dont une sorte de boule de cristal. Les aventuriers désiraient rapporter ces affaires au magicien qui y vivait, espérant une récompense à la clé.

Gandalf m'avait parlé de ce magicien vivant dans la tour d'Orthanc en Isengard. Il se dénommait Saroumane, et aux dires de Gandalf, était d'une grande sagesse et d'une grande puissance. C'était le supérieur de mon ami magicien, et je brûlais d'envie de le rencontrer. Elrond serait certainement furieux d'apprendre que je m'aventurais si loin de Fondcombe, mais qu'importe, je décida de me joindre à la joyeuse équipe. Je leur avoua à mon tour que je traquais en réalité le monstre qui sévissait dans la région, et que je comptais bien le trouver lors du voyage vers Isengard.

Et en effet le monstre ne se fit pas trop attendre. Le lendemain, en milieu de matinée, nous traversâmes un village en ruines. Le feu avait pris la plupart des petites chaumières, et une vingtaine de corps gisait au sol, atrocement mutilés. Il n'y avait plus âme qui vive dans ce macabre charnier. Nous nous apprêtions à repartir, quand un hurlement sinistre nous parvint, le genre de cri capable de geler le sang dans les veines et de donner l'impression d'avoir perdu les os de ses jambes. Sur un des toits, nous vîmes enfin la créature; élancée et verdâtre, la forme humanoïde était pourvue de longs membres puissants, et avait un visage sans aucun traits, si ce n'est son unique oeil ambré et brillant. Elle fit un bond absolument prodigieux et atterrit derrière le voleur qui s'écroula, mort. Le guerrier tenta de lui porter une violente bourrade, mais avec une vitesse surréaliste, elle passa derrière lui et lui laboura le dos de ses traîtres griffes. La créature se mouvait avec une telle célérité, que l’œil avait peine à la percevoir. Elle était si rapide que…

« …la seule chose assez vive pour pouvoir la toucher serait un éclair… »

Etais-ce moi qui venais de penser ça, ou quelqu’un venait-il de me le chuchoter à l’oreille ? Il n’y avait pourtant personne à coté de moi, tous occupés à en découdre avec le monstre. Le grand homme encapuchonné brandissait une énorme masse d’arme, avec la ferme intention de l’écraser sur le crâne de son adversaire. La créature fit un mouvement aussi bref qu’un battement de cils, et le grand personnage s’écroula, les mains appuyées sur deux plaies longues et fines d’où s’écoulait un flot continu de sang noir. Je dégaina mon épée, et aussitôt une salve d’électricité statique me traversa le bras. Sans même y réfléchir, je tendis la lame, auréolée d’éclairs bleutés, vers le monstre.

Le fracas qui suivit fut terrible, bien que bref. Un éclair d’énergie jaillit de mon épée, me projetant littéralement à travers un mur en torchis de la chaumière derrière moi, et frappa de plein fouet la créature. Je sentis bientôt que l’on me secouait. Les aventuriers m’avaient traîné hors du village, et la prêtresse tentait de me réveiller. Non loin de là, un petit tertre avait été érigé pour leur ami voleur.

"- C’est le deuxième compagnon qu’elle nous prend, soupira le nain.
- Si seulement tu t’étais débarrassé de cette fichue pierre ! explosa la prêtresse.
- De quoi parlez-vous ? demandais-je en me remettant sur pied. "

Un petit silence traversa l’assemblée.

"- Lorsque nous avons terrassé les orques il y a une semaine, nous avons découvert une pierre qui devait appartenir à cette créature, dit le guerrier ; elle ne nous lâche plus depuis…
- Et cela ne serait jamais arrivé si ce stupide nain avait écouté la raison plutôt que son avarice, et s’était débarrassé de cette maudite pierre ! ajouta la prêtresse en regardant méchamment le nain (elle devait avoir du sang elfe).
- Toi tu peux aller te…
- Où est cette pierre ? les coupais-je.
- Dans mon sac, bougonna le nain "

Il me tendit son sac de voyage et je fouilla à l’intérieur, lorsque je sentis un contact froid et lisse. J’en sortis une boule faite de cristal sombre.

" Non, ce n’est pas celle-là… "

Je n’entendais déjà plus rien. Une faible lueur au fond de la pierre avait grandit, grandit, et j’étais maintenant entouré de flammes, qui prenaient toutes naissance au bord d’une petite fente noire, se tenant là telle une déchirure au milieu du feu. La fente s’élargit soudain, et les flammes redoublèrent de puissance.

« AINSI, C’EST TOI QUI POSSEDE LA PIERRE D’ITHIL ? »

La voix, caverneuse et profonde, remuait les tréfonds de mon âme. L’immense œil enflammé m’enserrait totalement, et donnait l’impression qu’il pouvait lire toutes mes pensées les plus noires rien qu’en me fixant. La voix, d’une présence obsédante, pliait mon esprit comme une jeune branche d’if.

« RENDS MOI LA PIERRE, ET GRAND BIEN TE SERA FAIT. RIS DE MON AVERTISSEMENT, ET TU SOUFFRIRAS PLUS ENCORE QUE L’HOMME NE PEUT LE CONCEVOIR . »

Mais quelle était cette chose ? Une sensation de haine et de colère s’échappait de la pupille flamboyante. La peur m’engloutissait totalement et me forçait à plier devant l’apparition. D’une main tremblante, je cherchais à tâtons la garde de mon épée.

« LA PIERRE D’ITHIL …RENDS MOI LA PIERRE D’ITHIL… »

Ma main rencontra finalement la garde de mon épée, et je porta un coup de toutes mes forces en direction de l’œil. L’apparition disparut. La troupe me regardait d’un air médusé en train de brandir mon épée. Heureusement pour le nain qu’il ne mesurait pas dix centimètres de plus…

L’espèce de boule de cristal sombre gisait à mes pieds. Je la pris précautionneusement et la fourra dans mon sac. Le nain n’osa rien dire, encore un peu ému.

" Bon alors, cette pierre ? dis-je d’une voix faible. "

Le nain me tendis une petite gemme ambrée ; il s’agissait assurément de l’autre œil de la créature.

"- Jettes la ! souffla la prêtresse.
- Hors de question ! rugit le nain. Avec ce que lui a mis notre ami, je pense que l’on n’en entendra plus jamais parler. "

Je ne réagis pas vraiment. J’étais encore abasourdi par ce qui venait de se passer en quelques minutes à peine : la bête, mon épée qui lance des éclairs, l’œil flamboyant…



Le voyage repris, vers le sud et sans incidents notables pendant une semaine. Nous avions traversé sans encombres le Bruinen et les plaines australes de l’Eriador, et nous remontions à présent le cours de l’Isen vers Orthanc. Le fleuve serpentait au fond d’un ravin, et nous espérions trouver bientôt un pont pour le traverser. L’air était plutôt doux pour la saison, et nous décidâmes de faire une halte pour nous restaurer. Assis contre un arbre à l’orée de la forêt qui longeait le ravin, je me demandais à quoi pouvait bien ressembler Saroumane. S’il était aussi sage et érudit qu’on le disait, alors peut-être pourrait-il me donner des réponses sur mes origines ? Il me tardait vraiment de le rencontrer…
J’étais perdu dans mes pensées, quand j’entendis soudain comme un chuchotement :

« …attention…derrière toi…COURS… »

J’eus à peine le temps de me relever lorsque deux disques tranchant se plantèrent à l’endroit où j’étais assis. Je releva les yeux, et vis, dans l’ombre des arbres, un œil ambré…

« …à terre… »

Je me jeta immédiatement au sol, juste à temps pour esquiver la créature qui bondissait dans ma direction. Le personnage encapuchonné se précipita à la rencontre du monstre, hurlant et brandissant sa lourde masse d’arme. Il fit un moulinet avec son arme, et tenta de faucher la créature. Celle-ci se baissa pour éviter la boule piquante, et rebondit tel un ressort. Arrivée au niveau du visage du grand homme, elle le lamina à grand coups de griffes, puis dirigea vers le nain. L’homme encapuchonné hurlait en se tenant le visage, et fou de rage, déchira sa cape, découvrant ainsi sa véritable nature : il s’agissait d’un demi-orque, qui avait dû être enchanté par la prêtresse. Il donnait à présent des coups de masse vers tout ce qui bougeait, et fit valdinguer le guerrier qui tentait de le calmer. La créature se retourna vers lui, et fit plusieurs fois de suite un mouvement circulaire des bras très rapidement. Une dizaine de disques osseux tranchant transpercèrent le demi-orque de part en part, qui s’écroula dans une marre de sang sombre.

" Lance la gemme vers le ravin ! criais-je au nain. "

Celui-ci fouilla rapidement dans son sac et en sorti la petite gemme ambrée, puis la jeta vers la large fissure du fleuve. La créature stoppa toute attaque, et fit un bond énorme pour attraper son œil. Elle atterrit au bord du précipice, en tenant la petite pierre dans l’une de ses longues mains griffues. Il fallait en finir une bonne fois pour toute avec cette créature, ou elle allait tous nous tuer.
Tandis qu’elle remettait son œil dans son orifice vide, je chargea vers elle, dans l’espoir de la précipiter dans le ravin. Elle esquiva de justesse mon attaque, et d’un coup de griffe, c’est moi qu’elle envoya dans le gouffre. D’un mouvement de bassin, je fit un tour sur moi-même, et mon épée crocha sous la gorge de la créature, l’entraînant avec moi dans la chute.


Le ciel constellé d’étoiles se distordait devant mes yeux, créant un tunnel sans fin. Je glissais dans ce tunnel, prenant de plus en plus de vitesse. Il se divisait, encore et encore, en de multiples ramifications, et se tordait en tout sens. Par-delà sa surface lumineuse, j’apercevais d’autres tunnels identiques, parcourus par des masses multicolores. Les lumières disparurent peu à peu, laissant place à des ombres filantes, qui absorbaient une à une les étoiles. Le tunnel dans lequel je me trouvais se désagrégeait de plus en plus, ne laissant autour de moi que l’obscurité, le silence, et le froid…

…Debout !…Réveilles toi bon sang !…

Une vive douleur au bras me tira de mes songes en sursaut. J’étais sur une rive caillouteuse de l’Isen, trempé jusqu’aux os et transi de froid. Dans ma main, mon épée brillait légèrement. Encore cet atroce rêve…Cela faisait près d’une dizaine d’années que ces cauchemars avaient cessé de me hanter. J’eus beaucoup de peine à me relever ; chaque os de mon corps semblait avoir été réduit en morceaux, et j’avais mal partout. Surtout au bras d’arme. Mais ça, c’était un autre type de douleur, que je commençais à connaître assez bien : mon épée m’avait encore électrocuté. Je ne doutais pas que cette arme fut magique, mais l’inquiétante intuition qu’elle puisse de surcroît posséder une conscience me traversa l’esprit. Est-ce qu’elle ne venait pas de me réveiller…intentionnellement ?

"- Es-tu…vivante ? demandais-je à mon reflet dans la lame luisante, conscient du ridicule absolu de la situation.
- Bien sûr que non. "

Pour dire vrai, c’est la réponse que je souhaitais, bien que j’eus préféré n’avoir aucune réponse de la part d’un simple morceau de métal. J’eus un mouvement de recul, et jeta l’épée de surprise.

" Enfin, disons que je ne suis pas vivant tel que peut le concevoir un humain. "

Ca devenait vraiment trop surréaliste pour moi. Les épées ne parlent pas, c’est bien connu. Soit je rêvais encore, soit j’avais des hallucinations auditives.

" Tu pourrais pas nous emmener autre part, dis ? Parce que l’eau, c’est pas trop mon truc, si tu vois ce que je veux dire… "

Tiens, voilà une bonne idée me dis-je à cet instant.
Je m’approcha de l’eau, et j’y plongea la tête, histoire de m’éclaircir les méninges. Une fois les idées rafraîchies, je repris mon épée à nouveau silencieuse, comme toute arme qui se respecte, et trouva un moyen de gravir le fossé. Arrivé en haut, je m’aperçu que j’étais passé de l’autre côté de l’Isen, bien plus loin au sud.

" Ahhh, merci. "

Je resta un moment figé de stupeur. Ce ne pouvait être un rêve, car je souffrais atrocement. Ce ne pouvait pas non plus être une hallucination, vu la douche que je venais de prendre. Il fallait se rendre à l’évidence : mon épée était douée de parole.

"- Euh, je crois que je te dois quelques explications…hésita t'elle.
- Je le crois aussi, dis-je dans le vague. "

L’épée me raconta que son nom était Ash, et qu’il (il tenait à être considéré au masculin) était un esprit de foudre, qui en avait un beau jour eu assez de sa condition de force élémentale errante, et avait donc décidé de se matérialiser physiquement en arme, pour vivre d’aventures. Il se trouva que quinze ans plus tôt, c’est moi qui me trouvais sur le lieu de sa matérialisation, et qui devint par conséquent son porteur.

"- J’avoue que j’aurais préféré être découvert par quelqu’un de plus puissant que toi, mais tu semblais avoir quelques affinités avec la foudre…Et puis, je suppose qu’il ne valait mieux pas être trop regardant.
- Toujours charmant…Pourquoi ne m’as tu pas parlé plus tôt ?
- Je voulais rester passif à ce qui se pouvait bien se passer autour de moi, mais Ratheïr m’est témoin, je me suis pris d’affection pour toi, petit humain, et le fait de te laisser tuer par cette bestiole ne m’enchantait guère. "

Ash devint de ce jour mon plus fidèle compagnon, qui bien que ne faisant que rarement usage de la parole, le faisait à bon escient et avec un franc-parler assez déroutant. Je n’appris que bien plus tard ce qui s’était réellement passé cette nuit d’orage sur les monts brumeux, mais pour l’heure, j’étais plutôt heureux d’en connaître un peu plus sur mon épée, Ash.

Je repris donc le voyage vers Isengard, sous un ciel qui prenait une teinte plus normale pour la saison : gris et pluvieux. Je ne devais plus être qu’à quelques lieues de la tour d’Orthanc, lorsqu’une désagréable sensation me saisit, sans raisons apparentes. Je vis en scrutant l’horizon un cavalier venir de l’Orient, et qui semblait se diriger dans ma direction. Un coup d’œil sur Ash me conforta dans mes craintes : le fil de la lame rougeoyait.

"- C’est quoi ? dis-je les dents serrées.
- Aucune idée, mais c’est pas amical. "

Le cavalier arriva rapidement près de moi. Il était couvert d’une grande cape noire et était monté sur un cheval décharné et noir de jais. Le simple fait de regarder ce sinistre personnage provoquait un profond malaise et une sensation intense de froid. Il tendit une main squelettique, et murmura en un souffle sépulcral :

« ITHIL… »

Ithil ? Je me souvint de l’œil enflammé qui m’était apparu quelques jours plus tôt, et de l’impression de mal absolu qui en émanait. Cette créature infernale était donc ici pour récupérer la boule de cristal sombre ? Je n’avais aucunement l’intention de donner cette pierre à l’œil enflammé, quoi qu’il puisse être, aussi je me mis en garde pour toute réponse. Le cavalier me considéra un instant, puis mit lentement pied à terre, avant de dégainer son épée et de se mettre à son tour en garde. Un premier coup, pour jauger la force de l’adversaire, puis un second, pour sa rapidité. Les attaques et parades fusèrent enfin. Dans un ballet de vif argent et d’étincelles s’entrechoquaient les lames. Le sombre cavalier était d’une précision redoutable, et j’avais grand peine à éviter ses coups. Il ne semblait aucunement sujet à la fatigue, et chaque botte portée se faisait plus puissante.

Tandis que je faisais un tour sur moi-même pour lui infliger une puissante bourrade, il abaissa violemment son épée et rencontra la mienne alors que je lui tournais le dos. Je dû mettre un genou à terre, pour résister à la terrible pression qu’il exerçait. Si je m’avançais un peu, il me transpercerait dans le dos, et je ne pouvais plus résister très longtemps. Je fis quelque chose d’incroyablement peu orthodoxe : je poussa sur mes jambes pour me propulser en arrière, et percuta le cavalier, avant de rejeter Ash en arrière de toutes mes forces. Ash fendit le crâne du cavalier, ou plutôt l’aurai fendu s’il avait eu un crâne. Le spectre émit un horrible gémissement, et s’enfuit sur sa monture. Ereinté par tout ce qui venait de se dérouler, je fis quelques mètres en titubant, puis je m’écroula la face contre terre.

Un léger rayon de soleil me réveilla. J’étais couché dans une chambre claire et confortable, aux murs en pierre. J’ouvrit la porte finement ouvragée de ferronnerie, et je déboucha dans une grande salle circulaire, où m’attendait un vieil homme tout de blanc vêtu. Appuyé sur un bourdon de métal, ses traits fins laissaient sans peine transparaître son immense sagesse et un charisme indéniable. Il ne pouvait s’agir que de Saroumane le Blanc, maître du Conseil Blanc et de la tour d’Orthanc.

"- Ah, mon jeune hôte s’est enfin réveillé…J’espère que vos songes furent réparateurs.
- Assurément, noble sire, et je vous remercie humblement de m’avoir accueillit en votre demeure, bien que j’ignore par quels moyens je m’y suis rendu.
- Un rôdeur vous a découvert inconscient à quelques lieues au sud et vous a amené ici.
- Mon malheur a fait ma chance, alors, car j’aspirais à vous rencontrer. J’ai ici un objet qui…
- Ne t’occupes plus de ce fardeau, car je l’ai mis en sûreté, dit Saroumane en souriant largement. Ce fut réellement un heureux hasard qu’un jeune homme si sage découvre la pierre d’Ithil, et le ramène au seul fief où sa puissance est à l’abris des mal-intentionnés. "

Saroumane savait manier la flatterie avec autant de brio que la magie. Tout en lui, de ses mouvements à sa voix, revêtait d’un charme envoûtant. Je voulu lui poser des questions à propos de mes origines, mais il me répondit avant même que j’eus le temps de remuer les lèvres :

" Je ne suis pas celui qui pourra résoudre les mystères qui t’entourent. Toi seul pourra découvrir la vérité en toi-même. Je ne puis te révéler qu’une seule chose : ta route sera encore longue jusqu’à son accomplissement, et elle t’emmènera bien plus loin que tu ne peux l’imaginer. Maintenant, rejoins ceux qui t’attendent chez toi, et n’oublies pas que les portes de l’Isengard te seront toujours ouvertes. "

Après avoir chaleureusement remercié le magicien, je pris le chemin du retour vers Rivendel.

"- Je serai toi, je me méfierais de cet homme, lança Ash dans son fourreau tandis que la forêt de l’Isengard disparaissait derrière les collines.
- Allons, tu ne sais pas de quoi tu parles, répondis-je agacé. "

La première partie du voyage retour se déroula sans encombres, et j’arriva aux abords d’Eradon. Je me demandais ce qui avait bien pût arriver à mes amis aventuriers, lorsque qu’une vive douleur me brûla l’épaule droite. Je m’affala au sol, et vis une longue forme verdâtre qui s’approchait lentement de moi. Un unique œil ambré luisait de rancœur…Planté profondément dans la chair, un disque osseux et tranchant écoulait son poison paralysant dans mon bras. La créature se déplaçait lentement, contrairement à son habitude, et leva ses deux bras griffus en prenant tout son temps, comme pour savourer sa victoire…

La créature stoppa soudain sa progression, sembla hésiter un peu, puis s’écroula à son tour à terre, l’empennage d’une flèche sortant de sa nuque. Tandis que je m’affairais à ôter le disque de mon épaule, un homme sortit des sous-bois et me tendit la main. Il était brun et habillé comme un rôdeur, mais ses yeux possédaient un éclat de majesté et de prestance digne des grands rois dont sont contées les histoires dans les livres.

"- Cela fait deux fois que je vous sauve la vie, me lança t’il d’un ton neutre.
- Pardon, nous nous sommes déjà rencontrés ?…Vous...Vous êtes celui qui m’a amené en Isengard ?
- Oui, il semblerait que vous ayez un don pour vous attirer les ennuis. "

Nous installâmes notre campement et les discutions commencèrent à venir autour du feu de camp. Il se prénommait Estel et revenait après quelques années d’absence à son foyer. Je lui racontais pour ma part les péripéties que j’avais vécu la semaine passée : les aventuriers, la créature qu’il venait juste de défaire (d’après ses dires, il s’agissait d’un Lassarauko, un démon-feuille), le voyage vers Isengard, la pierre d’Ithil…

" Rien que ça ? ironisa t’il à l’écoute de mon récit à propos de la pierre et du cavalier noir. Kallo Ithil ! "

En quenya, la langue elfique, Kallo Ithil signifie le héros d’Ithil .

"- Je n’ai rien d’un héros, répondis-je sombrement
- Tiens donc, vous parlez la langue des aînés ? Vous recelez bien des surprises, mon ami…Où donc avez vous appris ce noble langage ?
- A Fondcombe, dans la demeure du seigneur Elrond, maître des elfes à l’ouest des monts brumeux. "

Estel me considéra un moment, visiblement surpris.

" Et bien que de coïncidences mon ami, dit-il enfin, car j’ai moi aussi été élevé par maître Elrond, et je retourne le voir après des années d’absence. Mais croyez moi, reprit t’il en changeant de sujet, si vous avez réellement défait comme vous le dîtes ce…spectre, et protégé la pierre de l’Ithilien, alors vous méritez amplement le titre de Kallo Ithil. "

Devant le foyer d’un feu de camp, sous le ciel chargé d’étoiles d’une terre où les légendes prennent vie, mon nouvel ami me donna ainsi mon nom elfique, le nom que je conserva à jamais, la contraction de Kallo Ithil ; désormais l’on m’appellerait Khaotil.

Nous rentrâmes ensemble à Fondcombe, où tout le monde fut transporté de joie du retour d’Estel, et accessoirement du mien. Estel semblait être très proche d’Elrond et de ses fils, et beaucoup lui témoignait un respect digne d’un seigneur. Pour ma part, je me garda bien de révéler tous les détails de mon aventure à maître Elrond, me contentant des passages avec le Lassarauko.

Un mois plus tard cependant, tandis que les premières neiges couvraient les blanches toitures de la demeure de Fondcombe, Estel annonça qu’il allait entreprendre un grand voyage. Je ne pouvais me résoudre à quitter mon meilleur ami, aussi je décida de partir avec lui. Nous fîmes tous deux nos adieux aux elfes, et quittâmes Fondcombe le jour du nouvel an.

Un grand voyage commençait ; était-il celui qu’avait mentionné Saroumane ?


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Ashreir
Lame des rêves
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   Posté le 13-08-2004 à 05:43:31   Voir le profil de Ashreir (Offline)   Répondre à ce message   Envoyer un message privé à Ashreir   

Chapitre Troisième: Et la Lumière fut...

Estel et moi avions de nombreux points communs ; Outre le fait d’avoir tous deux été élevés à Fondcombe, nous ne vieillissions quasiment pas non plus. Estel était bien plus vieux que moi, et pourtant il semblait presque aussi jeune, si ce n’était son air grave qui le rendait plus mature. Cela était dû à sa condition de Dunédain, une race d’hommes ayant autrefois eu des rapports très proche avec les hauts-elfes. J’en déduisis ainsi que j’étais moi-même Dunédain. Nous avions aussi tout deux l’amour du bien et de la justice. Ainsi, pendant plus de vingt années, nous avons parcouru le pays, offrant notre aide à qui était dans le besoin, et servant en secret les dirigeants du Gondor et du Rohan contre le retour d’un sombre ennemi, plus à l’est. De temps à autres, notre ami Gandalf nous rejoignait et nous faisait profiter de sa sagesse.

Une nuit de l’an 2979, alors que les vents marins ramenaient un air doux et un temps clair, un songe étrange pénétra mon sommeil.
Je courais dans les couloirs d’un immense et incroyable château. Le sol était fait d’un métal blanc et laiteux, et les murs, de métal aussi, étaient ornés de sculpture d’anges, de dragons et d’autres créatures féeriques, et veinés de colonnes de lumière de toutes les couleurs. J’arriva dans une grande salle aux murs de verre : dehors il n’y avait qu’un ciel nocturne, parcellé d’étoiles, qui se déplaçaient lentement. Le château semblait flotter dans les airs. Loin, très loin dehors, une étoile brillait bien plus que toutes les autres. Je m’approcha de la surface vitrée pour mieux voir, et je passa au travers. Les étoiles autour de moi se transformèrent en longs fil d’or, et l’étoile brillante au lointain grossit de plus en plus. Maintenant que j’étais plus près d’elle, je voyais mieux de quoi il s’agissait ; Une immense boule de lumière brute, d’où s’échappait quelques légers filaments de lumière vaporeuse. Un grand arc-en-ciel entourait complètement la gigantesque lumière, et six autres petites étoiles se tenaient en orbite autour. La grande lumière rayonna et un puissant souffle m’arrêta. J’entendis une voix forte, mais néanmoins douce :

« Pars vers le Levant et trouve mon sanctuaire,
Trouve Ungoliant et tue ce monstre qui s’y terre.
Prouve ta valeur à la Lumière !
Et elle te conférera son pouvoir.
Tu deviendra celui qui a jamais erre,
Pour apporter à tous l’espoir.
»

Le rêve cessa. Je me leva, le cœur emplit de doutes, et fis part de mon rêve à Estel.

"- Tu connais déjà ma réponse, me dit-il, fais ce que tu juges bon.
- Alors adieu mon ami, car nos chemins se séparent ici. Puissent nos routes se croiser bientôt à nouveau ! "

Après une dernière accolade, je partis donc en direction du Khand, la région habitée la plus à l’est des terres du milieu. Il s’agissait en réalité d’une contrée désertique, traversée de marchands nomades allant d’une oasis à une autre. Je tentais de glaner des information à propos d’un ancien temple ou de ce monstre nommé Ungoliant, au hasard des bazars, mais en vain. Je fis alors le plein de provisions, et pris le parti de continuer vers l’est, quittant les terres civilisées.

Je gravis la chaîne du Ened harmal, combattis les trolls de la grande plaine de Chey Sart, remonta le courant du Talachrant, affronta le froid polaire et les ours de glace de la forêt de Myr, et entrepris la traversée de la plaine rocheuse du Lu Tyr Su. Cela faisait près d’une saison que j’avais quitté tout contact humain, lorsque j’arriva en vue de la jungle de l’Uster Kryl, petit îlot de verdure perdu dans l’enfer rocheux que je venais de traverser. Cette jungle, malgré la faune peu accueillante qui l’habitait, me redonna un peu d’espoir.
De nombreuses ruines des Eldars, les anciens elfes, les premiers enfants de la terre et les plus sages, décrépissaient et se couvraient de plantes rampantes dans cette jungle, oubliée de tous. Le déchiffrage des runes à l’intérieur de certaines habitations fut très fastidieux, mais m’apporta de précieuses informations concernant les évènements des deux Ages précédents. Ces régions devaient être encore habitées il y a quelques milliers d’années, peut-être maître Elrond lui-même s’en souvenait. Maître Elrond…Tous, à Fondcombe, me manquaient terriblement. Et je désespérais de plus en plus de les revoir un jour.

L’un des passages de runes parlait d’une région prospère plus à l’est encore, dirigée par une caste de seigneurs-dragons. Ces régions avaient été unifiées à l’arrivée, au début du deuxième âge, d’un grand dragon d’or qui fit profiter de son savoir à la tribu des Womaw, et permit à la région de profiter d’une longue période de paix et de prospérité. La route était encore longue, mais je me résolu à partir vers ces terres.

Après deux semaines de voyage à travers une plaine d’herbes hautes, les hautes cimes blanches de la chaîne de l’Helcar Sael, réputée comme la plus haute des terres du milieu, m’apparurent. Et, au pied de la montagne, une énorme porte de pierre, ornée d’écritures qui m’étaient totalement inconnues, entourée des ruines de ce qui devait être un village il y a de ça bien des années.
L’immense porte était fêlée et brisée à de nombreux endroits, si bien qu’il était aisé d’entrer dans le passage qu’elle était censée sceller. Un long couloir s’enfonçait sous la montagne, tellement large qu’une dizaine d’hommes auraient sans problème pu y passer de front. De chaque côté, de grandes statues de pierre représentant des dragons semblaient surveiller l’entrée. Le temps ayant fait son œuvre, la plupart étaient décapitées. Je demanda à Ash de luire pour éclairer le chemin.
Eclairées, les statues paraissaient vivantes; et pour cause, certaines d’entre elles l’étaient. Des dragons des cavernes, plus petits et bien moins intelligents que leurs grands cousins de feu et de froid, qui dormaient dans la pénombre fraîche. Je poursuivit silencieusement ma progression, priant pour qu’aucun d’eux n’ai la malheureuse idée de se réveiller.

La grotte, vue de l’intérieure, était vraiment magnifique. Du plafond pendaient de fines stalactites nacrées, juste au-dessus de cristaux bleus et mauves qui reflétaient l’éclat de Ash en une lumière onirique sur les murs brillant de…mithril ? Les nains tomberaient en syncope, s’ils voyaient ce spectacle. Une petite ouverture en haut de l’une des parois laissait s’écouler une cascade d’eau pure dans un lac souterrain. Des ombres couraient sur le fond de l’onde claire…certainement des dragons aquatiques.
Cela n’était pas normal. Les dragons sont solitaires d’habitude, et ne supportent pas la présence de congénères sans se battre. Mais comme je n’imaginais que très mal aller demander à l’un des intéressés, je préféra continuer mon chemin sans plus y penser.

Un choix se présenta bientôt à moi : le long tunnel tortueux se séparait en deux voies distinctes, l’une partant vers le haut, et l’autre s’enfonçant plus avant dans les profondeurs. Autant rester près de la surface, me dis-je en mon for, aussi je pris la direction des hauteurs. A chaque nouvelle intersection, je continuais dans la même voie, vers le haut. Tant et si bien qu’au détour d’une galerie, je sentis un souffle froid me caresser le visage, et tout au bout du tunnel pointait une parcelle de lumière. Il fallait croire que j’avais atteint la surface.

En réalité, j’étais même arrivé bien plus haut que ça. De gros blocs de glace se dressaient dans la neige, d’une clarté si limpide qu’on pouvait presque les confondre avec le ciel exceptionnellement azur aujourd’hui. Je m’avançais un peu vers une corniche, et me rendis compte que j’étais au sommet d’un des contreforts de l’Helcar Sael. Le panorama dominait presque toute la partie orientale des terres du milieu : je parvenais à voir le reflet de l’Océan de l’Est…Je n’aurais jamais cru aller un jour si loin, à un endroit que seules les plus anciennes cartes représentent. Il y avait quelque chose, en bas dans la plaine, mais la réflexion de la neige m’en rendait la perception ardue…

La neige s’envola soudain tout autour de moi, se soulevant en grappe de flocons légers, emportés par un vent soudain. Je me retourna, et vis la cause de ce tourbillon : un Drake de froid ailé. Légèrement plus fins et petits que leurs parents sans ailes, cette race vindicative et rare n’en est pas moins dangereuse.

" Vous autres Womaws n’abandonnez donc jamais ? rugit-il. Aucun humain en ce monde ne pourra se targuer un jour d’avoir dompté Taënird le Tout-puissant ! "

J’avais toujours eu un profond respect pour les dragons, les tenant pour des créatures nobles, puissantes et sages. Aussi avais-je lu de nombreux ouvrages à leur sujet dans la bibliothèque d’Elrond. L’un d’eux décrivait tout les dragons les plus puissants, les plus connus et les plus marquant à travers les âges. Et ce qui était sûr, c’est qu’aucun Taënird le Tout-puissant n’en faisait partie. Mais j’avais aussi appris que les dragons étaient d’une vanité à toute épreuve, et qu’il valait mieux user de flatteries plutôt que de menaces.

" Je vous prie d’accepter toutes mes humbles excuses, ô grand Taënird, puissant parmi les puissants, dont l’écho des hauts-faits résonne jusqu’aux Havres gris, mais c’est par mégarde que je me suis égaré sur vos terres, et nullement dans le fol espoir de pouvoir vous causer un mal quelconque. "

Heureusement pour moi, ce dragon-ci était assez jeune, et n’avait jamais eu affaire à des langues plus exercées. Il se rengorgea d’orgueil, et j'en profita pour lui demander :

"- Veuillez pardonner mon ignorance, noble sire des airs, mais qui sont ces Womaws et qu’ont ils bien pût faire pour s’attirer votre courroux ?
- Tu aimerais le savoir, misérable humain ? Et bien viens, je vais te montrer. "

Il étendit largement une de ses fines ailes et m’invita à monter sur son dos, avant de décoller en un tourbillon de neige. Voyager à dos de dragon n’est pas à proprement parler le meilleur moyen de transport qui soit. Certes, il est rapide. Certes, la vue est magnifique. Mais le problème d’un dos de dragon, c’est qu’il parcouru d’épines dorsales. Sans compter que les dragons adorent faire des acrobaties aériennes, vrilles et autres loopings. Et puis il n’est guère rassurant de savoir que l’on est en première ligne en cas d’une fringale subite…

Arrivés à la bordure de la montagne, Taënird replia ses ailes et effectua un piqué la long de l’escarpement rocheux, perçant la voûte nuageuse à toute vitesse. La blancheur cotonneuse des nuages disparût tout à coup, laissant apparaître le sol qui se rapprochait à allure vertigineuse… Je ne pus m’empêcher de laisser s’échapper un hurlement de frayeur, lorsque Taënird déploya brusquement ses ailes à peine à une dizaine de mètres du sol, me plaquant littéralement sur son échine, et glissa en planant vers l’est.

" Vois, et comprends, me dit-il enfin, toujours en filant sur les vents. "

J’eus beaucoup de peine à me décider de cesser de me cramponner, mais je finis néanmoins par lever la tête. Sous les ailes de Taënird défilaient de vastes étendues de champs, ondulant sous les battements d’ailes du dragon comme une mer écumeuse lorsque le soleil embrasse la terre de ses derniers rayons paresseux. La moisson qui s’y déroulait était pour le moins insolite ; en guise d’animaux de bât, les paysans utilisaient des dragons de cavernes harnachés, qui regardaient avec étonnement le dragon de froid.

"- C’est incroyable, ne pus-je m’empêcher de dire.
- En effet, répondit Taënird de forte méchante humeur. Ces ignobles monstres ont osés réduire en esclavage la plus noble race parcourant les vents, les terres et les mers de ce monde ! "

Je jeta à nouveau un regard sur les moissonneurs. Ils étaient environ un vingtaine à récolter le blé, et presque autant de dragons de forte belle taille les assistaient pour le transport. Pourtant, aucun de ceux-ci ne portaient de muselières ou autres instruments du genre, et ils ne semblaient témoigner aucune animosité envers leurs 'geôliers'.

"- Ils n’ont pas l’air d’être ici contre leur gré…
- COMMENT ? rugit Taënird. "

Il se débattit de toutes ses forces et m’envoya valdinguer dans les air. J’atterris dix mètres en contrebas, dans une meule de foin. Le dragon de froid se posa devant moi, les crocs saillants, et tonna de plus belle :

" COMMENT OSES TU, PETIT HUMAIN, NE SERAI-CE QU’IMAGINER QUE NOUS AUTRES, MAITRES INCONTESTES DE TOUT CE QUE NOUS VOYONS, POURRIONS AIDER LES HUMAINS DE NOTRE PLEIN GRE, EN LEUR SERVANT DE CHEVAUX DE TRAITS OU DE BETES DE COMBAT ? "

Le pauvre Taënird parvenait très mal à cacher qu’il était en réalité terrorisé. Il était certainement le dernier dragon encore ‘libre’, et il craignait qu’un jour les Womaws, ne réussissant point à le dompter, décident de le tuer avec des dragons plus vieux et plus forts que lui. J’eus alors une idée, et puisa dans ce qui me restait de témérité.

"- Cessez donc vos jérémiades, dragon ! Vous savez tout aussi bien que moi que votre race est sur le point de s’éteindre. Et il ne tient qu’à vous de vivre plus vieux que vous n’oser l’espérer. Je ne suis pas un Womaw, et je ne suis là que pour très peu de temps. Laissez croire aux Womaws que je vous ai dompté, et ils vous laisseront en paix. Quant à moi, je vous indiquerais dès que mes affaires ici seront terminées un lieu où vous pourrez vivre en toute quiétude. Ne laisser pas votre fierté parler à votre place pour une fois ! "

Le dragon ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois de suite sans qu’aucun son en sorte. Son hésitation coupa court lorsque six dragons ailés se montrèrent à l’horizon.

"- Très bien, admit Taënird avec difficultés, mais c’est moi qui commande !
- Bien entendu, soupirais-je, soulagé. "

Je sauta rapidement sur le dos de Taënird, et les autres dragons arrivèrent. Cinq d’entre eux étaient des dragons des sables, à peine plus grands qu’un grand aigle et à peine plus intelligents qu’un lézard. Le dernier, par contre, était un grand Drake de feu. Tous étaient chevauchés par des cavaliers en cuirasse et casques en pointe. Ils dégainèrent de petits bâtons de métal, qui se déplièrent en un instant pour donner de longues lances tranchantes, par je ne savais quelle magie. Celui sur le dragon de feu, sûrement le capitaine de l’escadrille, baissa sa lance vers moi et aboya :

"- Identité et lieu d’habitation !
- Je me nomme Khaotil et je viens de Rivendel, demeure d’Elrond.
- Rivendel ? C’est où ça ?
- A l’ouest, abruti, rumina son propre dragon, dont les relations avec son cavalier ne devaient pas beaucoup différer des miennes avec Taënird.
- A l’ouest ? Il a traversé les terres sauvages ? Très bien, suivez-nous. "

Les dragons décollèrent et nous emmenèrent, Taënird et moi, plus loin dans les terres. Au bout d’un quart d’heure de vol cahoteux, nous arrivâmes en vue d’une grande ville aux hautes murailles, faite de bâtiments de pierre blanche et aux toits couleur safran, et traversée par un fleuve. Au centre de la ville se tenait un immense palais, construit sur une île au milieu du fleuve. Les dragons se posèrent sur un des toits du palais, et les gardes m’invitèrent à les suivre. Nous arrivâmes finalement dans ce qui devait être la salle du trône et me présentèrent au seigneur de la ville, un homme mince, plutôt grand, entre deux âges, et coiffé d’une couronne allongée ornée d’ailes de dragon.

"- Cet homme prétend venir de l’ouest, dit le capitaine de l’escadrille, et il chevauchait Taënird !
- Très bien…Jeune homme, voulez-vous bien me raconter votre histoire ? "

Je lui expliqua dans les détails mon voyage à partir du Khand vers l’est, la découverte des ruines dans la jungle d’Uster Kryl, mon ascension de l’Helcar Sael, et imagina un terrible combat à l’issue duquel je gagna le respect du terrible dragon des glaces et en fit ma monture.

"- Pourquoi avez vous fait ce si long et périlleux voyage ? me demanda t’il une fois mon récit achevé.
- Je suis à la recherche d’anciennes ruines et d’un monstre nommé Ungoliant. "

Le roi resta quelques instants silencieux, le front plissé sous sa lourde couronne.

" Si ce que vous dites est vrai, dit-il enfin, alors vous nous apportez là de bien grandes nouvelles, car cela signifie que nous pouvons reprendre possession de nos terres à l’ouest de l’Helcar…Capitaine Phlâmn ! Prenez un escadron et allez vérifier que la voie de la montagne est à nouveau libre ! Quant à vous, ajouta t’il en se tournant vers moi, considérez-vous comme mon hôte. "

Le capitaine s’inclina, et repartit, nous laissant seuls. Le roi me conta l’histoire de son pays. Il y a très longtemps de cela, un grand dragon d’or arriva des terres de l’ouest, envoyé par le sombre seigneur Morgoth lui-même. Son maître ayant été vaincu, la dragonne s’installa sur les hauts pics de l’Helcar Sael, et étrangement, s’amouracha des tribus Kael qui vivaient au pied de la montagne, qui la nommèrent Kod Ultor. Elle leur offrit son savoir et sa protection, et permit bientôt l’unification de toutes les tribus de l’extrême est des terres du milieu, les Womaws. Ceux-ci dominèrent la politique du Nord-Est des terres du milieu pendant près d’un âge entier, formant la caste des seigneurs-dragons. Mais plusieurs drames frappèrent ce puissant règne mille ans environ avant la fin du deuxième âge. Kod Ultor fut tuée par la maléfique reine elfe Avar Mormiresûl, et peu de temps après, le roi Komûl Premier fut séduit par la puissance d’un ténébreux seigneur de l’ouest, et disparut en laissant le royaume des Womaws dans le chaos. Les Womaws se replièrent derrière la chaîne de l’Helcar Sael, attendant le jour où leur retour vers l’ouest serait possible.

La lignée des seigneurs-dragons se perpétua néanmoins, et ils tirèrent parti de leur isolement, en apprenant à capturer et élever les dragons. Ils constituent désormais la base du royaume Womaw ; les humains profitent de la puissance des dragons pour les aider dans les tâches de la terre, pour le transport terrestre et maritime, et enfin pour les défendre avec la formidable garde volante des chevaliers-dragons. Les dragons, eux, goûtent à une existence paisible en suivant l’exemple de Kod Ultor, les vrais dragons de feu et de froid étant traités avec un respect digne des plus grands rois.
Kod Ultor…j’avais déjà lu ce nom dans la bibliothèque d’Elrond. Elle possédait un autre nom dans l’ouest, mais je ne parvenais pas à m’en souvenir… Qu’importe.

Le lendemain, le capitaine avait apporté au roi la confirmation qu’une bonne partie à l’ouest de l’Helcar était inoccupée, et que le renouveau du royaume Womaw pourrait bientôt recommencer. Le roi me fit aussitôt quérir.

" Très cher Khaotil, grâce à vous, Taënird ne nous empêche plus de passer l’Helcar, et notre empire va regagner sa gloire passée. Au nom de tous mes sujets, je vous remercie. "

Je n’avais rien fait pour mériter ces remerciements, mais le roi insista pour m’aider dans ma quête. Il me parla d’un très ancien temple à la gloire de Kod Ultor, abandonné depuis des siècles dans une jungle à une vingtaine de lieues au sud de la capitale. Il me mit en garde cependant, m’expliquant que de profondes ténèbres s’étaient emparées de ce lieu.

Je pris donc la direction de ce temple en chevauchant Taënird, et nous y arrivâmes alors que le soleil était à son zénith. La jungle était luxuriante et silencieuse. Pas même un cri d’oiseau ne s’en échappait. Je laissa Taënird à l’orée de la forêt dense, et m’y enfonça, Ash à la main.

Après plusieurs heures d’une progression difficile à travers les lianes et une pénombre obsédante, nous débouchâmes finalement dans une minuscule clairière donnant sur les ruines décaties d’un temple. La plupart des vieilles pierres étaient déchaussées ou broyées par des racines, mais l’entrée était toujours visible, et il s’en échappait une désagréable impression de noirceur.

" Allons-y, soufflais-je comme pour me rassurer moi-même. "

Je m’enfonça dans la pénombre du temple, baigné dans une atmosphère oppressante qui s’accentuait à chaque pas. Un murmure résonnait des tréfonds du caveau, bercé par le sifflement de l’air lourd qui parvenait à s’infiltrer dans les rares fentes des murs. Je jetais des regards nerveux en direction de Ash, dont la lame irradiait littéralement d’une lueur rougeâtre.

L’air se figea soudain, comme épouvanté par l’apparition cauchemardesque qui me faisait face à quelques pas de moi. Tapie dans une toile de noirceur, se tenait la plus immonde araignée que j’aie jamais vue. Un corps énorme et couvert de bubons, d’une largeur d’une dizaine de mètres environ, dix pattes noires et velues, et une tête enfoncée et terrifiante, avec huit yeux petits et rouges, brillants de cruauté. La substance même de l’ignoble araignée semblait abhorrer la lumière, comme si elle produisait elle-même les ténèbres qui la recouvraient. Il s’agissait la gardienne de ce temple déchu. Il s’agissait d’Ungoliant, le démon de l’Abîme.

La monstruosité étendit quelques-unes de ses pattes et s’extirpa de son cocon de noirceur. Elle remua ses mandibules, et s’exprima d’une voix affreusement stridente, dans laquelle des siècles et des siècles de haine et de cruauté s’exprimaient à chaque syllabe.

" Créature…sssucculent petit être…apporte traître lumière…lumière…lumière m’appartient…lumière à moi…sssucculente lumière…détruire lumière…Ungoliant être toute puissante…Ungoliant remplacer lumière…Ungoliant te tuer !!! "

Elle s’élança de toute sa masse dans ma direction en cliquetant des mandibules, faisant trembler les fondations du temple à chacun de ces pas. J’esquiva de justesse l’assaut en sautant derrière l’un des piliers de pierre du caveau. Malgré la corpulence d’Ungoliant, elle parvenait très bien à se fondre dans les ténèbres hostiles du temple. Je risqua un coup d’œil en arrière du pilier, mais ne vis que des ombres. Je quitta ma cachette en inspectant tout autour de moi, quand Ash hurla :

" Attention, au-dessus de toi !!! "

Je leva la tête juste à temps pour voir l’horrible monstre, accroché au pilier, projeter vers moi un fil gluant. Je me protégea de mon bras gauche, qui fut prit dans un entrelacs de soie noire et maléfique. D’un coup d’épée, je me libéra de l’étreinte du fil qui m’attirait vers Ungoliant. Mais mon bras me brûlait atrocement, et pendant que j’en arrachais les résidus de la sombre toile, Ungoliant se laissa tomber du pilier pour m’écraser. Je roula sur le côté et évita l’araignée qui s’écroula lourdement sur le sol en faisant trembler tout l’édifice et en soulevant un nuage de poussière noirâtre. Je me précipita, Ash en avant, pour tenter de percer l’un des yeux flamboyant de fureur. Peine perdue. D’un coup de patte, elle me projeta contre un mur, puis couru vers moi à son tour. La lame d’Ash se couvrit d’éclairs bleutés, et je le tendis aussitôt en direction d’Ungoliant. Dans un fracas étourdissant, Ash donna toute sa puissance et l’éclair éblouissant qui en jaillit frappa l’immonde créature en plein dans les yeux.

Aveuglée par la rage, Ungoliant fonça dans toutes les directions, hurlant, sifflant, crachant, maudissant tous les êtres de la terre et donnant des coups désespérés en tout sens. Elle finit par faire s’écrouler l’un des piliers du caveau, qui commença à s’effondrer. Je couru vers le fond du temple, sautant par-dessus les blocs de pierre se détachaient du plafond, frôlant les piliers qui se fracassaient au sol, ou évitant les débris de roc et de soie mêlés. Ungoliant, transpercée par l’un des piliers, continuait à hurler sa rage et sa haine, quand un pan de roche s’affaissa et laissa passer dans le sombre temple un filet de lumière du soleil. Le démon émit un mugissement suraigu, emplis d’une douleur insondable, tandis que les rayons du soleil brûlaient ses chairs noires. Une odeur pestilentielle emplit la grande salle, puis Ungoliant se tût à jamais, incinérée par la lumière et enfouie dans les ruines du vieux temple.

Le cœur battant à tout rompre et les oreilles bourdonnantes, je me releva tant bien que mal. Je tremblais encore de tous mes membres, et je n’osais pas encore croire à ma chance d’avoir survécu. J’allais enfin savoir pourquoi j’étais venu ici. J’avança vers le fond du temple en tranchant dans le cocon de noirceur, et atteignit enfin une salle qu’Ungoliant semblait avoir épargné de sa démoniaque présence. Au centre de la salle se tenait un autel, et en suspension au-dessus de celui-ci, une sphère de lumière. Je m’approcha doucement de la fascinante apparition, posa Ash au pied de l’autel, et tenta de toucher la sphère. Dès que mon doigt entra en contact avec la substance vaporeuse, j’eus instantanément l’impression d’être plus léger et que le sol se dérobait sous mes pieds. Toute la salle autour de moi s’assombrissait, seule la sphère brillait avec force. La sphère enfla soudain de plus en plus, jusqu’à ce que je ne puisse aucunement détourner mon regard d’elle. C’était à présent la même gigantesque lumière que j’avais vu dans mon rêve, mais l’intensité lumineuse qu’elle relâchait était incomparable à celle dans mes souvenirs ; Les rayons de l’immense lueur semblaient transpercer chacune des particules de mon corps ; l’éclat était si puissant, que même les yeux fermés, je sentais la lumière aveuglante traverser mes pupilles. Une voix forte résonna tout autour de moi, ni féminine ni masculine :

« Khaotil…
Je t’ai remarqué pour ta bonté et ta dévotion aux autres…
Je t’ai choisi pour ta bravoure et ta force d’esprit…
Tu ne m’as pas déçu en libérant ce monde d’une abomination sans nom…
Je suis la Lumière, l’ultime éclat qui illumine le cœur des hommes et les protège des ténèbres…
Tu es celui que j’ai choisis pour accueillir mon pouvoir…
Khaotil ! Reçois ma force et utilise la pour défaire le mal !
Je t’offre L’Arkrim, l’armure sacrée de Lumière !
»

Je sentis une douce chaleur remonter tout le long de mon corps, et éclater comme une bulle d’énergie au niveau de mon cœur. Un léger bourdonnement se fit entendre, tandis que la chaleur continuait à augmenter. Mon corps commençait de nouveau à me faire souffrir. Le bourdonnement ainsi que la chaleur s’accentuèrent, et j’avais maintenant l’impression que ma peau se déchirait, trop exiguë pour contenir le flux de force vitale qui s’écoulait en moi. La douleur diminua soudainement, et la voix s’exprima de nouveau :

« Ton âme et son essence sont désormais à jamais liées…
Apprends à invoquer sa puissance, et utilises là à bon escient…
Sois digne de l’insigne honneur qui t’est fait !
Un jour, ta véritable quête te sera révélée…
»

La lumière s’éteignit brutalement, et je mis quelques instants à percevoir à nouveau ce qui se passait à nouveau autour de moi. J’étais à genoux sur un sol dur et froid…et j’entendais la voix de Ash qui m’appelait, très lointaine…Quelque chose me caressa l’épaule. Je tourna lourdement la tête et tenta de discerner ce dont il pouvait bien s’agir. Floue tout d’abord, ma vision devint plus nette, et je vis un petit ruban d’étoffe luisante pendre sur mon épaule. Mon front était ceint d’un bandeau fait dans une matière aussi fluide que de l’eau et aussi douce que de la soie. Brillant tout d’abord, sa luminosité diminuait progressivement, lui donnant une teinte jaunâtre. C’était donc ça, l’Arkrim ?

Je me mis debout, et m’aperçu avec stupeur que je me sentais très bien. Je ne m’étais même jamais senti aussi bien. Je me saisis de Ash qui ruminait au pied de l’autel, et pris la direction du retour. Plusieurs questions me préoccupaient ; tout d’abord, comment se servir de l’Arkrim ? La Lumière m’avait parlé d’une armure, mais à part ce bandeau…Ensuite, pourquoi elle m’avait choisi MOI ? Ma bravoure, ma dévotion…je connaissais bien des personnes plus méritantes que moi, Estel en tête. Enfin, la Lumière avait dit que ma véritable quête me serait un jour révélée…De quel genre de quête pouvait-il bien s’agir ?

Je retrouva Taënird à l’orée de la forêt, et nous rentrâmes à Kod Andor, la capitale des Womaws. A l’écoute de mes exploits dans l’ancien temple de Kod Ultor, le roi me proposa une place de chevalier-dragon. Cette civilisation qui avait vu naître l’alliance des hommes et des dragons me fascinais, aussi acceptais-je son offre. Je reçu l’une des fameuses lances rétractiles, témoignages de l’avancée technique des Womaws ; d’un simple bâtonnet d’une cinquante de centimètres se dépliait toute une lance à la pointe acérée, et aucune jointure n’était visible. Durant la dizaine d’année où je vécu à Kod Andor, je participa à la recolonisation des terres à l’ouest de l’Helcar, et devint même capitaine d’une des escadrilles de chevaliers-dragons. Taënird, lui, ne se plaignait pas vraiment de sa condition de dragon de combat, quoi qu’il s’en dédise. Mais le temps passant, je souhaita rentrer à Fondcombe. Je fis mes adieux aux Womaws, et parti avec Taënird vers Rivendel.

Lorsque nous arrivâmes aux monts brumeux, je dis à Taënird :

"- Voilà, dragon, notre serment prend fin ici même. Si tu le désires, tu peux retourner aller vivre avec les Womaws. Sinon, pars vers le nord des monts brumeux ; tu y trouveras des endroits calmes où nicher et chasser les gobelins, ils pullulent par ici.
- Ce fut une bien étrange rencontre que la notre, Khaotil, répondit-il en mimant ce qui devait être un sourire, et bien que l’expérience fut intéressante, je ne souhaite pas plus qu’hier avoir de rapports avec vous-autres, misérables humains. Adieu mon ami. "

Et il s’envola à tire-d’aile vers le nord, tandis que je partais à pied vers Fondcombe, impatient de revoir mes amis, et de leur conter ce que j’avais vécu.


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